Phnom Kulen - Mont Sacré

Toute culture a sa cosmogonie, sa version de la création du monde.

Les Judéo-chrétiens ont la "Genèse"' les scientifiques ont le "Big Bang" ; le "Barattage de la mer de lait", ou Amrita-manthana, est, quant à lui, une des cosmogonies hindouistes étroitement associée aux origines de la culture Khmère.

A l’origine, les dieux (Deva) et les démons (Asura), tous mortels, luttaient pour la domination du monde. Les Deva s’en étant remis à Vishnou, celui-ci leur proposa de s’allier provisoirement aux Asura pour produire le nectar d’immortalité (Amrita). Le mont Mandara fut jeté dans l’océan cosmique (la mer de lait, autrement dit la voie lactée) tandis que la tortue Akûpara, un avatar de Vishnou, le stabilisait sur son dos. Les Deva et les Asura enroulèrent alors le serpent Vâsuki à la montagne et, tirant alternativement sur sa queue et sur sa tête, ils barattèrent le lait durant mille ans.

Une des représentations les plus célèbres de cette cosmogonie se trouve à Angkor Wat, le fameux temple Khmer du Cambodge. Les bas-reliefs y montrent, notamment, les Deva et les Asura faisant tourner le mont Mandara  avec un le serpent Vâsuki, aidés par Vishnou. De ce processus furent créés différents êtres merveilleux et objets magiques, parmi lesquels les Apsaras et l’Amrita (l'élixir d'immortalité).

Les Hindous affirmèrent que quatre gouttes d’Amrita tombèrent sur la terre, elles devinrent des lieux de pèlerinage : Nasik (le fleuve Godavari), Ujjain (la rivière Shripa), Hardwar (le Gange) et Allâhâbad. En fait elles tombèrent toutes sur la montagne Phnom Kulen, au Cambodge, et formèrent une rivière, qui devenait en quelque sorte le seul endroit sacré sur terre. Le centre de la création, un point de connexion avec l'univers, relié directement à la voie lactée. Plus tard, des ermites s'installèrent et, soucieux d'éterniser dans la roche les symboles des principales divinités Brahmanique, ils sculptèrent en son lit des milliers de merveilles.

Un travail colossal d'une finesse sans limite. Dans une niche tout près d'une cascade, une grenouille ; sur un rocher affleurant, une Apsaras aux seins ronds, caressée par le courant ininterrompu de la rivière. A ses côtés, un bassin rectangulaire creusé à même le lit, comme une baignoire aux parois bosselées semblant retenir un bref instant les eaux. Ici, Shiva qui chevauche un taureau, là Vishnu sur son serpent "Naga" à plusieurs têtes. Et partout, des Lingas, des milliers de Lingas reposant sur leurs Yonis, sorte de vulve féminine symbolique, formant un tapis de sexes dressés, réunis en fleurs de lotus ou disposés en groupes de cinq. Plus loin, se trouve la source d'immortalité, comme un puit sans fond, alors qu'une fine pellicule de sable semble en matérialiser le fond mouvant.

Certains disent qu'auprès de cette source, un Linga d'or, orné de pierres précieuses, symbole de la virilité, redonnait la fécondité à ceux qui le caressaient. D'une écuelle en or, les hommes versaient sur lui cette eau qui, quelque mètres en amont, venait de caresser le corps de l'Apsara de pierre. Les jours de grandes cérémonies, la foule se faisait marée humaine, chacun voulant toucher ce linga et trouver en lui, la virilité, la fertilité, l'amour, la richesse. C'est sur cette montagne sacrée, vers l'an 800, que le Roi "Jayavarman II" proclama l'indépendance du royaume par rapport à Java, marquant la naissance de l'empire Khmer.

Aujourd'hui, Phnom Kulen est un lieu de pèlerinage très fréquenté le weekend et jours fériés. Le Linga d'or à disparu depuis fort longtemps, mais certains le cherchent encore à travers le Cambodge. Par contre, la rivière, la source d'immortalité et de fécondité, les sculptures des dieux et des milliers de Lingas existent toujours, et le site est magnifique. Et si parfois vous  ressentez une grande détresse face aux extrémités de la vie, venir dans un endroit comme celui-ci, permet de reprendre courage et de retrouver la force nécessaire pour affronter toute l’adversité du monde.
 

Nota : Le Linga est la représentation phallique des trois dieux hindous. Brahma constituant le socle de l'univers, un bloc carré en grès ; Vishnu veillant à sa conservation, un bloc orthogonal, également en grès érigé, sur le premier. Enfin Shiva destructeur et procréateur, en forme de pénis, culmine au sommet. Le tout, reposant dans une vulve féminine, appelée Yonis. De nombreux Lingas ornent les temples Angkoriens.

 

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